Le Collège des Maîtrises d’Usages (CoMU), créé en 2022 dans le cadre du Projet Partenarial d’Aménagement (PPA) du centre-ville de Marseille, devait être un outil inédit de démocratie urbaine : un espace où habitants, collectifs et associations participent à la définition et au suivi du projet d’aménagement aux côtés des institutions. Son cadre constitutif prévoit des moyens matériels, humains et financiers, l’accès aux études et données publiques, la formation des membres, et la mise en place d’une économie de la contribution citoyenne.
Or, rien de cela n’a été appliqué.
Aucun local, aucun appui, aucun accompagnement n’ont été accordés au CoMU. Privé de moyens, il n’a pu exercer ni sa mission d’information, ni celle d’interpellation ou de proposition. Nous considérons que la Ville de Marseille, la Métropole Aix-Marseille-Provence et l’État, tous trois impliqués dans le PPA, ont trahi leurs engagements et vidé de sa substance une instance pourtant reconnue comme un maillon essentiel de la gouvernance démocratique.
Bien qu’ayant reconnu officiellement le CoMU dans une délibération de 2021, la Métropole n’a jamais accordé les moyens logistiques de son existence. Alors qu’une Maison de projet avait enfin été identifiée avec la mairie, elle a même bloqué brutalement ces avancées sous prétexte que l’immeuble identifié était “premium”, autrement dit trop bien pour les habitants. Quant à l’État, il n’a jamais joué son rôle de garant et d’impulsion, laissant la démocratie urbaine s’étioler. L’abandon de fait par la Ville, qui avait accepté d’en assurer le portage (dernier RV en mars 2024), a achevé de rendre inopérante cette instance pourtant innovante.
Après cette « dissolution-évaporation » insidieuse du CoMU , nous assistons au transfert à la Métropole, via un nouveau contrat entre SOLIHA et la Métropole, du suivi du relogement de 77 ménages. La Ville en suivait 507 et en suit dorénavant 430 (dernier COPIL de septembre du suivi de la Charte du relogement). La conjonction de ces faits marque un pas supplémentaire de rupture et de mépris de la démocratie.
Les conseils citoyens membres du CoMU ont eux-mêmes alerté sur la manière dont la nouvelle Convention communale du Plan Quartiers 2030 a été élaborée : ils ont contesté la façon dont la « participation citoyenne » y est définie, dénonçant l’absence de mise en œuvre concrète et la non-prise en compte des obligations légales issues de la loi de 2014 sur la Politique de la Ville. Leur courrier adressé au préfet, au maire et à la Métropole est resté sans réponse, signe d’un mépris persistant pour la parole citoyenne organisée.
La Ville a récemment évoqué la possibilité de supprimer du site municipal l’historique des arrêtés de péril levés, au nom d’un hypothétique « droit à l’oubli ». Mais ce qui est déjà certain, c’est que les arrêtés municipaux de police spéciale ne sont plus publiés dans les recueils des actes administratifs. Ils figurent désormais sur une page spécifique du site de la Ville, dont la portée, l’exhaustivité et la pérennité ne sont nullement garanties. Cette évolution suscite de sérieuses inquiétudes sur la volonté réelle de la municipalité d’assurer la transparence et l’accès durable à l’information publique, essentiels à la compréhension des politiques de l’habitat et à la défense des droits des habitants.
La 3ᵉ « Journée annuelle du logement », organisée le 9 octobre dernier, a été perçue comme un colloque d’opérateurs du logement, mettant l’accent sur les échanges entre villes européennes et des visites pédagogiques. Mais aucun moment de dialogue n’a été organisé avec les acteurs associatifs ou les collectifs citoyens. Ce format, purement institutionnel, illustre la progressive marginalisation de la société civile dans la réflexion sur les politiques du logement et de l’habitat.
Ce retrait du dialogue, ajouté à l’affaiblissement d’espaces de dialogue tels que le CoMU ou les groupes de suivi du plan Marseille en Grand, illustre un affaiblissement continu de la participation citoyenne à Marseille.
Tout ceci malgré notre dialogue régulier avec la SPLA-IN qui se situe du côté de l’exécution et qui permet d’échanger sur la mise en œuvre concrète des opérations, mais ne remplace en rien l’absence de tout débat stratégique avec les pouvoirs publics, véritables décisionnaires. La volonté de faire vivre une démocratie urbaine réelle, reste présente dans les collectifs et les associations. Mais il revient désormais aux responsables publics de réparer la confiance perdue et de rendre à la société civile la place qui lui revient dans la fabrique de la ville. Face à ce constat, nous appelons les futures équipes municipales, métropolitaines et nationales à prendre des engagements clairs pour restaurer la confiance et la transparence :
- Publier et maintenir l’intégralité des études et données publiques relatives au PPA et aux politiques de l’habitat;
- Créer des maisons du projet dans chaque quartier en renouvellement urbain ;
- Garantir un suivi public du relogement des ménages délogés ;
- Réactiver un CoMU doté de moyens réels, reconnu par la Ville, la Métropole et l’État ;
- Mettre en œuvre un encadrement effectif des loyers et un permis de louer dans le centre-ville ;
- Lutter contre la spéculation par la réquisition des logements vacants et le soutien à la foncière alternative (type Antidote);
- Encourager les initiatives d’habitat participatif (type Habeille) ;
- Relancer les conseils de quartier et donner toute leur place aux conseils citoyens, conformément à la loi ;
- Stopper les démolitions injustifiées et privilégier la réhabilitation du bâti existant.
Les conseils étayés, avisés, aux «camarades» du Printemps Marseillais, ne servent plus à rien.
Exit la consultation, le débat et la délibération avec les forces vives de la société civile.
Exit la démocratie (démos : le peuple ; kratos : le pouvoir).
Le peuple n’est pas associé aux décisions qui le concernent.
Un vide sidéral s’est installé. Et la dérive de l’ultralibéralisme est à l’œuvre.
Ne pouvons-nous pas espérer qu’une relève politique soit sincère et engagée sur ces questions d’urbanisme et de logement, au service des habitants et non pour servir les intérêts des grands groupes immobiliers?
Pour 2026, prenons acte du mépris dans lequel nous tiennent les instances qui prétendent « fabriquer la ville avec les habitants ».
Un Centre Ville Pour Tous
Marseille, le 20 octobre 2025
uyè