Marseille, danser sur les toits ou la morgue des dominants





L’exposition de la misère politique et intellectuelle sur les toits de Marseille, telle nous apparaît le bilan de « la première édition du Marseille Rooftop Day » (4/10/2022).

Organisé par le collectif A nous les toits1 et Pernod Ricard, avec le soutien d’Euroméditerranée, « L’objectif de cet événement est de contribuer à « recoudre la ville » en créant des espaces supplémentaires pour du lien social et faire progresser l’utilisation durable et créative des toits de Marseille », en réalisant le bilan d’une opération inaugurée en juillet 20222.

Cette palanquée d’organismes associatifs, d’investisseurs, de promoteurs et d’entreprises ne témoigne-t-elle pas, par la même, son incapacité à saisir les enjeux de notre époque ?

Nous sommes en présence d’un agrégat de structures qui se fondent sur des discours alléchants, construits dans les socialisations dorées de leurs protagonistes. Qui se vantent de leurs expériences à l’international. Qui se gargarisent de notions présumées vertueuses (« lien social, durable et créatif ») alors qu’il ne s’agit que d’éléments de langage de la novlangue des marchands.

Quel mépris d’inviter à jouir des toits quand l’effondrement des immeubles à Marseille (5 novembre 2018), les mises en péril, les milliers de délogés, sont directement liés à des désordres provenant de l’absence d’entretien des parties communes des copropriétés, et notamment des toitures. À Marseille précisément, les toitures sont le symbole de l’impéritie de la gestion financière des spéculateurs qui engendre misère et souffrances. Et c’est là justement que les dominants, étourdis par leur superbe, proclament le « droit » de faire la fête, alors qu’ils bafouent le droit à la ville.

Voici venu le jour d’une nouvelle célébrité pour Marseille : la ville où les insouciants s’amusent pendant que la majorité recueille les fruits de leurs incompétences dans la réalité de ce qu’ils nomment la « fabrique de la ville ». Les riches dansent sur les toits quand les pauvres meurent sous les toits effondrés, ou sans toit. Quel exemplaire partage du sensible ! Ce n’est pas la fabrique du « nous » mais celle du désastre. La fabrique de la fragmentation et de la misère, celle du cauchemar qui vient. Mais observera-t-on, certains de ces acteurs sont privés et ils font ce que bon leur semble. Doit-on pour autant se réjouir d’un tel cénacle qui fleure bon la sécession ?
De quel  droit d’autres, comme la Friche,  AGAM, Euroméditerranée et la Cité de l’agriculture, largement subventionnées via nos impôts, se permettent-ils  de le détourner pour leurs entre soi?

1 « A nous les Toits, est une dynamique collective portée par : Marseille Solutions, Synergie Family, Wetopia, Making Cities Together, L’Épopée, La Cité de l’agriculture, Récipro-Cité, Apprentis d’Auteuil, Friche la Belle de Mai, Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (Agam), Club Immobilier MP, La Fabrique du Nous ». Courriel d’invitation envoyé à la presse le 3/10/2022.

2 Site À nous les toits! https://www.rcf.fr/articles/culture-et-societe/a-nous-les-toits-a-marseille-on-aime-la-ville-de-haut-en-bas – consulté le 5/10/2022.