Publié par Centre Ville Pour Tous, le 4 novembre 2019.

Nous avons écouté ce matin l’intervention de Jean Claude Gaudin en conférence de presse. Nous souhaitons revenir sur quelques points abordés.

Tout d’abord, selon ses propres mots, la crise serait résorbée, pourtant :

– 4000 délogé-es depuis maintenant un an, dont une grande partie encore en situation de précarité résidentielle, en hébergement provisoire à l’hôtel  (entre 300 et 400 personnes) ou relogée temporairement (plus de 1300 personnes)

– une désorganisation des services de la ville qui se perpétue, notamment dans l’accompagnement et la prise en charge des familles lors des évacuations,

– la prise d’arrêtés de périls imminents qui ne règle pas une situation de fond :  un parc de 40 000 logements indignes, et 100 000 personnes vivant dans des taudis à Marseille
Mais pour la majorité municipale, la crise est résorbée.
Jean Claude Gaudin nous explique que la responsabilité incombe aux bailleurs privés. Mais comment se satisfaire de l’action publique, comme cela a été largement développé ce matin, alors que des immeubles extrêmement dégradés de la ville sont laissés à l’état d’abandon, comme l’a révélé un consortium de médias la semaine dernière? Il suffit de faire quelques pas à Noailles pour s’en rendre compte, au 29 rue du musée par exemple, immeuble propriété de la ville à ciel ouvert !

Pour un centre ville pour tous, plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation de crise durable : un modèle économique, des pratiques affairistes locales et un projet politique de ségrégation sociale depuis 25 ans.

C’est donc d’abord le résultat d’un modèle économique qui est pris dans ses contradictions :  l’idée que le marché de l’immobilier s’auto régule. On laisse des immeubles entiers se dégrader sans intervention publique, jusqu’à s’effondrer, dans une logique de rentabilité foncière différentielle : le foncier devient à tel point dévalorisé qu’il devient alors possible pour des opérateurs privés de réaliser de belles plus values. Mais non seulement cela conduit au développement d’un parc d’habitat indigne, mais dans un tissu urbain de centre ancien contraint par la densité d’un petit bâti dégradé (le 3 fenêtres marseillais), et d’une géographie accidentée, les investisseurs privés hésitent à se lancer dans des opérations trop risquées économiquement. Ils n’iront pas investir dans des réhabilitations lourdes sur la frange du parc de logements le plus dégradé, l’équilibre financier de l’opération n’offrant en effet pas de marges suffisamment attractives. Seul un parc rentable sera valorisé. Et c’est sans compter la cooptation entre les milieux d’affaires et les milieux politiques : La ville acquiert des immeubles très dégradés au prix fort et revend (souvent sans appel à projet) à des investisseurs privés à des prix défiant toute concurrence. C’est le cas d’un immeuble rue du Baignoir, révélé par Marsactu il y a quelques mois.

Cette situation est aussi le résultat d’un projet politique porté par la majorité municipale depuis 25 ans : celui de faire de Marseille une ville attractive, touristique, entreprenariale. On se rappelle des paroles de Gaudin, « le centre de Marseille a été envahi par la population étrangère, les marseillais sont partis. Moi (…) je fais revenir des habitants qui paient des impôts ». Les politiques publiques d’aménagement de la majorité actuelle ont donc tout fait pour fabriquer une ségrégation sociospatiale, dont la répartition du logement social est un bel exemple : près de 50% dans les quartiers
nord contre moins de 10% dans le sud, et 4% à Noailles, où pourtant la population est à 80% éligible au logement très social. Les catégories populaires du centre ville se trouvent prises en otage entre un parc privé inaccessible pour leur niveau de ressources et un parc social inexistant. Elles se dirigent donc vers un parc social de fait, l’habitat indigne.

Enfin, dans sa conférence de presse, Jean-Claude Gaudin a rappelé le vote d’une charte de relogement en juillet, celle que nous avons imposé par nos mobilisations et une pétition qui a rassemblée 17 000 signatures ! Mais nombreuses obligations des pouvoirs publics ne sont pas respectées aujourd’hui.

Contrairement à la majorité actuelle, Jean Claude Gaudin et Martine Vassal en tête, les marseillais sont devant une crise sociale et humanitaire durable. Il faudra commencer par rétablir le droit, mais un droit à la ville pour toutes et tous. C’est, dans sa version minimale, un accès pour tous à un logement digne, des équipements publics de proximité, une politique sociale des transports (gratuité des transports en commun…), mais aussi notre capacité à décider collectivement de l’avenir de nos quartiers. Notre association réitère certaines propositions : l’extension du permis de louer aux quartiers dégradés, le plafonnement des loyers ainsi qu’une action concertée entre institutions et société civile contre les marchands de sommeil.

Enfin, le Projet Partenarial d’Aménagement porté par Martine Vassal, prévoit une concertation sélective. Nous serons là pour dire que c’est l’ensemble des habitants, associations, et collectifs, qui doivent maintenant être entendus. Et nous le dirons haut et fort samedi 9 novembre lors de la grande marche pour un logement digne pour toutes et tous.